Valley of the Shadow is a digital archive conceived in the 1990s and build since then, that adapted to the evolving technologies and came to become one of the foremost examples of digital history. Here is discussed in French some of the issues of this kind of enterprise from its genesis to its unending present.
Valley of the Shadow est une archive digitale mettant à la disposition de tous les utilisateurs d'internet un ensemble de sources primaires sur deux cantons (county) américains pendant la guerre civile américaine (1861-1865). Ces deux cantons sont Augusta County en Virginie et Franklin County en Pennsylvanie. Ces deux espaces sont distants de 200 miles, et présentent de nombreuses similarités à l'exception de l'esclavage. A l'occasion de la Guerre Civile, leurs populations en guerre l'une contre l'autre selon une ligne nord-sud vont donc s'entretuer à l'instar du reste du pays.
En quoi ce projet est-il pionnier pour l'histoire numérique? En quoi est-il crucial pour tout historien tenté par l'entreprise de création d'une archive numérique d'analyser Valley of the Shadow?
Genèse du projet:
En 1991, Edward Ayers conçoit un projet de recherche historique comparative sur ces deux cantons, l'un au Nord, l'autre au Sud, proches de la frontière entre les deux ensembles, constamment au centre des opérations, suffisamment proches et semblables et pourtant ennemis.
Au départ il ne pense pas utiliser l'ordinateur, mais finalement prend conscience des possibilités d'un tel outil. L'ordinateur semble pouvoir faciliter et accélérer l'assemblage de documents disparates comme des journaux, des recensements, des lettres, des journaux personnels, des discours ou des registres paroissiaux. Reconstituer le puzzle de ces vies entremêlées dans ces deux entités géographiques devait pouvoir révéler des aspects insoupçonnés de cette épisode crucial de l'histoire américaine, mais à un niveau local.
L'Institut pour l'utilisation des Nouvelles Technologies dans les Humanités (Institute for Advanced Technologies in the Humanities or IATH) parraina le projet et le proposa en réponse à un appel d'offre de la part d'IBM qui s'intéressait alors à l'utilisation de l'informatique dans les humanités. Avec quelques ordinateurs, une assistance technique IBM dans un espace situé dans la bibliothèque de l'université de Virginie et le travail rémunéré d'étudiants, l'équipe commença alors à collecter, transcrire et convertir les sources en fichiers digitaux.
En 1993 l'irruption du World Wide Web changea complètement l'orientation du projet: nul besoin de finir l'ensemble avant de diffuser l'information, d'offrir au monde les fruit de ce travail colossal. Heureusement pour le projet, le language HTML (Hypertext Markup Language) était dérivé d'un language informatique qu'ils avaient adopté au départ.
Internet dans ses débuts ne permettant pas l'utilisation d'images en haute définition, un CD-ROM est publié en 1997, permettant d'inclure du texte, des images en haute définition, des voix et de la musique. L'interface très simple de la page d'accueil du site, rassemblant trois plans de maison identiques pour les trois périodes considérées a aussi son origine dans le souci de rester accessible pour les utilisateurs munis d'un simple modem.
Le succès du CD-ROM auprès des écoles et le succès du site a contribué à la renommée du projet facilitant son expansion, suscitant notamment des dons de documents par des familles. En plus du CD-ROM, un certain nombre de publications académiques naissent de ce projet. (par exemple: Thomas, I., 2003. The Differences Slavery Made: A Close Analysis of Two American Communities, DigitalCommons@University of Nebraska - Lincoln.)
Prise en main:
Le site permet l'exploration de milliers de documents originaux concernant la vie ordinaire des hommes et des femmes de ces cantons sur une période qui s'étend de 1859 à 1870, englobant largement les années de guerre, choix chronologique qui doit permettre une mise en perspective de l'expérience de la guerre au niveau local.
L'archive digitale est classée en trois périodes:
- L'avant-guerre: automne 1859 - printemps 1861.
- La guerre: printemps 1861 - printemps 1865.
- L'après-guerre: printemps 1865 - automne 1870.
Sur la page d'accueil du site, des trois ensembles séparés chronologiquement sont représentés par trois plans identiques d'une même maison, produisant un effet de logo assez efficace, une image de marque de Valley of the Shadow. Les pièces de ces trois plans identiques ne sont pas nommées exactement de la même façon puisque les années de guerre ont produit des types de sources un peu différents: par exemple comme le recensement n'a lieu que tous les dix ans, il ne peut apparaître pour la prériode de guerre.
Chaque partie est néanmoins semblable. Pour s'orienter à l'intérieur, divers manières s'offrent à l'utilisateur: des instruments de recherche complets incluant dates, mots clefs, noms, lieux, etc. Comme les documents textes ont été encodés en xml, tout contenu est à la portée du moteur de recherche. Il est aussi possible de parcourir par type de documents, ordonnés ensuite chronologiquement.
Les concepteurs du site ont soigné leur interface et les rubriques d'aide aux utilisateurs.
Conclusion
C'est un outil incroyable pour historien de la Guerre Civile et un démonstrateur irremplaçable pour tout individu ou toute organisation tentés par la création d'une archive digitale centrée autour d'un sujet ou d'un territoire. Un tel projet suscite également des questions et des doutes.
Comment maintenir un tel projet dans le temps, une fois qu'il se termine? Et un tel projet peut-il se terminer?
La qualité de cet outil dépend de l'intelligence et de la qualité du questionnement de celui qui l'utilise, ou du moins cela est la revendication des concepteurs (interview de Andrew Torget). Mais pour qui un tel projet est-il fait? La variété des utilisateurs et des contributeurs montre que la question n'est pas simple et qu'y apporter une réponse n'appartient probablement pas à l'historien, même si les standards de conception ont étés définis par des historiens.
Ce projet repose sur le principe de l'exclusion de sources secondaires de son coeur, mais pour autant, l'empreinte des concepteurs est partout: interface, moteurs de recherche, cartes de batailles animées, choix de fournir ou non les scans des textes en accompagnement, etc.
Nous ne sommes pas en face de la quintessence du laboratoire de l'historien, THE LAB, nous sommes dans un labo particulier, particulièrement bien conçu, un projet modèle pour tout historien songeant à franchir le pas de la conception et de la réalisation d'une archive digitale: cela suppose un sujet bien délimité, des ressources financières, institutionnelles et techniques, une équipe qui faut renouveller constamment, etc.
Come and have a look at it.
PS:
Je ne connais pas beaucoup de sites comparables dans la sphère francophone. Néanmoins, le site de l'histoire par l'image, centré sur les représentations iconographiques et non pas sur un sujet particulier est un des bons sites d'histoire numérique français.
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